Par Guy Langlois

Les gens qui me connaissent bien le savent. Il y a consensus à ce sujet : je suis parfait.
« Ah, Guy, y’est parfait! » disent plusieurs. Je peux vous donner des noms, si vous voulez.

Chose, là.
Pis elle.

J’ai tout pour moi. Le talent, le look. J’ai déjà gagné 1 000 $ dans un jeu-questionnaire à Radio-Canada avec Sébastien Benoît.

— Oui, mais Guy, t’as répondu Montpellier au lieu de Montmartre à la question « Dans quel quartier est situé le restaurant dans le film d’Amélie Poulain »…
— On se la ferme.
— Pis Montpellier, c’est même pas un quartier…
— YOU SHHHH!

Je voulais en fait montrer quoi ne pas répondre à un jeu-questionnaire à Radio-Canada avec Sébastien Benoît. Afin de permettre aux gens non parfaits d’apprendre.

Je suis donc parfait.

Ce qui me mène à parler du RTC.

Le Réseau de transport de la Capitale.
Notre superbe réseau de transport pas-en-retard-sur-tout-le-monde qui tente, depuis quelques années, de sortir du Moyen Âge des services de transports en commun (Moyen Âge style 1998) et d’arriver au 21e siècle. Un peu comme Les Visiteurs. Moins de chariottes du diable, plus d’autobus de luxe du président Bernay.
Faut avoir vu le film pour comprendre.
Si t’as pas vu et adulé le film, je comprends même pas pourquoi on se parle en ce moment.

Avez-vous vu leur nouvelle application? Nomade, que ça s’appelle. Sur papier, c’est cool. Ça s’image dans leurs pubs, aussi. Un autobus, avec une bulle de bande dessinée au-dessus, qui te dit : « J’arrive dans 2 min. Nomade : votre métrobus en temps réel. »

Nice! Plus besoin de me sortir la tête pour voir si ma 801 arrive. Plus besoin d’avoir une relation avec le monde extérieur. Je peux rester enfermé dans l’abribus, la tête rivée à mon appareil de technologie intelligente, et suivre à la minute près l’arrivée de mon cheval de métal sans faire de eye-contact avec le gars à la casquette molle qui attend à côté de moi.
Au Moyen Âge (1998), j’aurai été obligé de lui faire la conversation. Du genre :

« Oyez mon brave! Quelle journée pour festoyer! Le roy va d’bon-cœur, et j’ai oie que Nomade s’en venait! Une application vraiment « su’a coche » comme on le parolera dans moult lunes. Et votre casquette molle vous va comme l’armure de Charles le Chauve! »

Et d’utiliser la tellement-vétuste application RTC mobile qui se relègue maintenant honteusement au rang des vieilleries, comme la cassette 60 minutes et la tecktonik.

Ce qui me mène à parler de la SAQ.

Est cool, leur application, où tu peux scanner les codes-barres des bouteilles et obtenir une foule d’informations. Pas que ça me servirait à grand-chose, je suis parfait. Pas comme le conseiller, à une succursale dont je tairai le nom, qui m’a déjà dit, et je cite : « Le chianti, c’est vraiment un bon cépage ».
Encore à ce jour, j’ai peine à me souvenir comment j’ai réussi à réprimer l’envie violente de lui enfoncer mon verre de dégustation loin dans la noirceur.

Ce qui me mène à parler de Google Maps.

Combien de fois me suis-je retrouvé, après être sorti d’un autobus du RTC, bouteille de chianti (qui est un cépage, selon le conseiller de la SAQ avec un verre en plastique pogné dans le derrière) à la main, complètement perdu. Combien de fois ai-je tenté de me frayer un chemin logique dans les labyrinthes aspirant les âmes que sont les rues de Québec pour arriver à ma destination. Grâce à l’application Google Maps, finis ces moments où j’avais l’air d’un touriste britannique qui cherche son chemin sur ses propres terres acquises en 1759. Le pouvoir de la technologie moderne me sauve enfin! Merci Google!

Ça, c’est le monde merveilleux dans lequel nous vivons. Un monde de réseaux, de connexion, de démocratie, de beautés retouchées sur Instagram et de poneys en chocolat.

(Applaudissements sarcastiques)

Je suis parfait. Mais pour la société, je ne suis rien.
Ce que j’ai dans le pantalon n’est pas assez bien.
C’est comment on s’en sert, on me dira?
Yeah right.
L’affaire, c’est que ça me servait assez bien. Jusqu’à ce que vous changiez toute la patente avec vos réseaux.

Je suis parfait.
Mais j’ai pas de cellulaire.

Je ne suis pas dépourvu d’appareils technologiques mobiles. J’ai bien une tablette. Une tablette qui date un peu. Qui me permet d’écouter de la zizik, de jouer à Angry Birds et d’apprendre mes mots de vocabulaire en suédois sur Memrise (qui s’utilise sans wi-fi. Memrise, toé, j’t’aime).
Il est là, le problème. Quand j’ai un réseau wi-fi, chez moi, dans un bar, chez Mademoiselle Ming qui me masse les pieds, tout va bien. Je peux m’ouvrir sur le monde et enfin accueillir la tonne d’information vitale à mon existence que me procure mon fil d’actualités.
Quand je n’ai pas de wi-fi, ma tablette devient un sous-verre de luxe.
Un sous-verre qui peut encore jouer à Angry Birds, mais un sous-verre pareil.

Le RTC, la SAQ, Google… vous pensiez à moi, avant. Moi, petit gamin qui n’est pas constamment branché sur un réseau. Car dehors, même en ville, en 2016, dans la plupart des boutiques, des marchés, dans la rue et sur les terrasses, mon appareil me fait remarquer, plus souvent qu’autrement, que « les réseaux sont actuellement indisponibles ». Je ne peux pas, comme toi, bien-penseur du RTC, de la SAQ et de Google, me connecter à la technologie LTE-3G-4G-5G-38D pour utiliser ta renommée application. Tu faisais des versions pour moi, avant! Qu’est-ce qui se passe? Tu ne m’aimes plus? Avec RTC Mobile, je pouvais consulter mon horaire de bus sans me connecter à quoi que ce soit! Et bientôt, dès juin, je dois être géolocalisé pour profiter des bienfaits de Nomade, parce que RTC Mobile ne sera plus disponible.
Elle est passée où, mon encyclopédie des vins disponibles à la SAQ? Je peux prendre des photos de codes-barres toute la journée si ça te plaît, mais je vais me retrouver avec 1 000 photos de codes-barres et rien pour les analyser parce que JE. NE. SUIS. PAS. CONNECTÉ.

Ah pis Google! Les cartes, ça change pas tant que ça! Ma carte en papier qui se déplie du Vieux-Québec de 1922 est encore aussi bonne que ta carte virtuelle de 2016 qui ne veut pas se loader PARCE QUE JE NE SUIS PAS CONNECTÉ À UN RÉSEAU. Les rues n’ont pas changé de courbe Saaaaaaint-Bâtard!

Toute ma musique en un seul clic? Ouais, c’est ça! Essaye de m’avoir, voér. Essaye de me faire m’inscrire à ton service de musique en continu qui me DEMANDE D’ÊTRE CONNECTÉ À UN RÉSEAU. Pas de wi-fi? Sèche! Tu l’écouteras pas, Lady Gaga. No way José. Tu vas entendre Le silence de ta honte du groupe T’as Juste À Faire Comme Tout Le Monde Pis Te Payer Un Forfait Démesuré Pour Tes Besoins Inventés (gagnant du Félix de l’Album de l’année pour Ma vie est régie par mes notifications).

Vous ne faites plus rien pour moi, pour nous, gens qui pouvaient utiliser vos services sans réseaux. Qui pouvaient avoir un pied dans le monde technologique, dans l’ère moderne, sans y avoir la tête et le corps au complet. Qui pouvaient utiliser un appareil correctement, chercher de l’information, consulter des produits, sans courir en pleurant comme des Madeleine à la recherche de trois petites barres. Pourquoi nous laisser tomber? On n’est pas assez beaux? Je suis parfait, je vous le rappelle! PAR-EUH-FAIT. J’exige d’être servi avec perfection comme l’être parfait que je suis!

Je ne me vante pas de ça, de ne pas avoir de cellulaire! C’est correct, si t’en as un. C’est correct aussi, si t’en as pas. C’est pas un défaut, une qualité, une façon de voir la vie ou un accomplissement. Tout est ben beau! Mais je peux-tu avoir l’impression, rien qu’un peu, d’être le gars qui a utilisé un micro-ondes toute sa vie et que soudainement son micro-ondes lui dit : « Désolé. Vous devez être connecté pour que l’application « Micro-ondes » réchauffe ce pâté chinois ».

ÇA MARCHE SANS WI-FI!
POURQUOI VOUS M’OBLIGEZ À ME CONNECTER, À C’T’HEURE!?

Sébastien Benoît. Au secours. J’ai besoin d’un autre 1 000 $ pour vivre correctement en société. Faut que je m’achète un réseau.

Envoye, s.t.p. Je vais répondre Montmartre, cette fois-là. Please.