Pourquoi je n’en veux pas aux parents d’Eugène-Batman (et autres fabulations publicitaires.)

Par Anaël Turcotte

Ma première chronique, que c’est excitant. Pour m’introduire aux visiteurs du blogue, j’ai décidé de commencer par ce qui ne me ressemble pas : une chronique narcissique! Quoi de mieux pour se faire aimer, vraiment?

Longues baies équatoriales

Si vous tapez mon nom sur Google, curieux que vous êtes, vous allez trouver qu’il y a un Anaël Turcotte dans un groupe de rock, l’autre dans deux collectifs littéraires, un autre dans un groupe de métal folklorique, l’autre a étudié en littérature, un autre a été concepteur graphique et un autre travaille chez Promotel Inc. comme rédacteur publicitaire. Vous vous douterez que ces personnes n’en sont qu’une, ce qui n’est pas incohérent en soi (art, lettres et musique). Ce qui est intéressant c’est de voir que mon nom agit comme une sorte de marque de commerce (merci Maman). On se souvient de moi, je possède un numéro unique. Ça m’a pris vingt ans à apprendre à prononcer mon nom sans me sentir étrange en dedans.

Heureusement, je ne m’appelle pas Kevin Tremblay, ce qui me donne la chance de sortir du lot (désolé, Kevin) et je ne m’appelle pas non plus Kjartan Woolthorpe-Pendergrast, ce qui sonnerait un peu trop exotique et les gens ressentiraient une certaine répulsion dans le fait de ne pas pouvoir l’orthographier. Mon prénom biblique un peu obscur donne une saveur originale, tandis que le familier Turcotte ancre le tout dans la sphère du connu. On le sait : ce qu’on connaît ne fait pas peur, nous rassure à la limite. (Ne vous en faites pas, je ne ferai pas de politique ici.)

Choisir le nom d’une entreprise ou d’un enfant, c’est souvent difficile. On sait que le nom demeure longtemps et qu’il ne peut être modifié qu’au prix de grands efforts. Comme un tatouage, ou l’odeur de l’ail sur le bout des doigts. Souvenons-nous la légende d’Eugène-Batman, de Denis Denis, celle de Rose Latulippe ou bien celle des entreprises Ben Lalen, le fameux Chez Œufs ou encore les Toitures Mais a coule pas inc. Tout le monde veut se faire remarquer et aujourd’hui, c’est de plus en plus difficile avec l’abondance d’informations disponible sur le web.

On le voit déjà avec les noms, une façon de s’attirer du capital symbolique est l’humour. On s’en souvient mieux. La farce permet une association mnémotechnique, tout est beau tout est bien. Mais quels moyens existent dans le plus sérieux? Je vais vous gâcher le punch tout de suite : je rêve d’un monde publicitaire avec plus de poésie. Je ne parle pas d’alexandrins, de pieds, de vers et de structures que 80% des gens trouvent ennuyantes ou dépassées (source statistique : aucune). Je parle de causer de fortes réactions émotionnelles ou intellectuelles. Est-ce possible? Ne suis-je qu’un pelleteux de nuages après tout? Vous, en tant que client exposé aux publicités, souhaiteriez-vous plus de poésie en publicité, qui vous ferait rire, rêver ou penser à l’absurdité de la vie?

Je rêve de vendre votre steak comme de la « chair à saisir », de vanter les bananes comme de « longues baies équatoriales », d’annoncer des pneus qui « harponnent les voies de la cité ». Je veux un monde qui sonne plus vrai, plus cru et qui donne à réfléchir.

C’est un peu pour cette raison que je n’en veux pas aux parents d’Eugène-Batman : parce qu’en le sachant ou pas, ils ont donné à leur fils la chance d’être un poème vivant.

1 Comment

  1. Suzanne Blanchard

    Tu as tout compris Anaël . Voilà pourquoi j’ai choisi ce prénom pour toi. Tu feras ta marque et on se souviendra de toi. Beau texte. J’ai beaucoup aimé. Ta mère, fière de l’être.

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